Alors que l’instruction avait démontré que le constructeur avait développé une « passivité attentiste » par rapport aux événements en exploitation et que les responsables du suivi de la navigabilité du Concorde n’avaient pas effectué toutes les démarches nécessaires et indispensables pour contraindre le constructeur à adopter les mesures qui s’imposaient pour remédier à tous les problèmes rencontrés, on a eu, en première instance un procès bidon qui a retenu dans son jugement la culpabilité du seul chaudronnier de Continental ?
Cet avion avait un grave défaut que personne n’ignorait, il y avait eu des incidents, des incidents graves et même des accidents mais il continuait de voler et « on s’en sortait »… jusqu’au jour où l’équipage n’a pas pu éviter que la tragédie survienne.
Confronté à une situation non prévue par le constructeur mêlant l’éclatement d’un pneumatique, la rupture d’une partie du réservoir n°5, un feu important sous la voilure gauche, une perte de poussée des réacteurs 1 et 2 et la non-rentrée du train, qui peut croire que l’équipage avait une chance même infime de s’en sortir ?
L’instruction avait démontré également que les acteurs de la sécurité, en présence de la répétition des éclatements de pneumatiques, ont seulement tenté d’apporter des réponses pour limiter ce risque, mais sans y parvenir. De ce fait, des projections de morceaux de pneus et d’autres matières sur les parties sensibles du Concorde ont continué à se produire sans qu’aucune mesure suffisante n’ait été prise pour empêcher des fuites de carburant, des déclenchements d’incendie ou des pertes de puissance des réacteurs.
Depuis l’accident du Concorde en 1979 à Washington, tous les responsables de l’exploitation, du retour d’expérience, du suivi et du maintien de la navigabilité de cet avion savaient que 2 nécessités s’imposaient : soit le renforcement de la voilure notamment à l’intrados, soit l’arrêt des vols. Pour des raisons techniques et financières, la première a été abandonnée. Pour le prestige de la France, la seconde ne pouvait être envisagée.
Que fallait-il faire alors de tous les accidents et incidents graves précurseurs qui se sont succédés pendant 21 ans ? Les ignorer ! C’est ce qu’ils ont fait.
Qu’on ne nous dise pas qu’il s’agit seulement de négligence ou de sous-estimation du risque. Non, on a ignoré volontairement le risque catastrophique généré par l’éclatement d’un pneumatique. Michel BOURGEOIS, enquêteur du BEA, a confirmé devant le magistrat instructeur ce que tout le monde savait : il fallait arrêter cet avion en 1979 et faire les modifications nécessaires et indispensables ! Michel BOURGEOIS a aussi avoué publiquement en d’autres circonstances que pendant 21 ans le BEA n’a pas bougé sur ordre : « Il n’y avait ni mort ni blessé… alors on ne bougeait pas. ». Telle a été l’attitude du BEA et des autres tout au long des 24 années d’exploitation du Concorde.
Et peu importe que la rupture du pneumatique de la roue n°2 ait été causée le 25 juillet 2000 par une lamelle, un trou ou une marche. Le Concorde, son équipage et ses passagers n’auraient jamais dû entreprendre ce vol avec le défaut dont on avait mesuré l’extrême gravité sans vouloir le résoudre.
L’instruction avait donc mis en évidence les fautes des acteurs de la sécurité durant toute la période qui s’est écoulée entre l’accident de Washington en juin 1979 et celui de Gonesse. Pourtant, le Tribunal avait affirmé en première instance que seul le chaudronnier ne pouvait ignorer « les conséquences potentiellement catastrophiques de l’éclatement d’un pneumatique » lorsqu'il avait fixé la fameuse lamelle sur le DC10 de Continental.
La Cour d’appel allait-elle suivre le jugement correctionnel qui n’honorait pas la Justice de notre pays ?
Ben non… la Cour a relaxé tout le monde tout en constatant dans son Arrêt du 29 novembre 2012
· Que le BEA n’a pas respecté de Code de l’aviation civile pendant le déroulement de l’enquête technique
· Que le BEA n’avait émis aucune recommandation après 1981 malgré les nombreux accidents et incidents graves qui ont eu lieu
· Que l’enquête technique du BEA relative à l’accident de Washington en 1979 avait été menée dans un contexte de pression politique
· Que la DGAC n’avait pas proposé la suspension du certificat de navigabilité du Concorde alors qu’elle s’imposait dès 1979 et ensuite en 1985 et 1993
· Que la DGAC avait commis plusieurs fautes de négligence
· Que l’organisation en France relative à la certification, au suivi et maintien de navigabilité était de mauvaise qualité…
Relaxer tout le monde tout en constatant que des fautes ont été commises, cela rappelle un jugement récent…
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