mardi 11 mars 2025

Yemenia 626. Tous les responsables n'ont pas été condamnés

 

 

Le transport aérien a besoin d’excellence. Le 29 juin 2009, les passagers ont embarqué dans un Airbus A310 effectuant le vol Yeménia 626 à destination de Moroni, Comores, avec un minimum de sécurité et un maximum de risque. Les conséquences furent dramatiques.

Quinze ans après le crash, la compagnie Yemenia Airways a été condamnée en appel à Paris pour homicides involontaires,en lui imputant des "défaillances en lien certain avec l'accident".

Ce fut un procès « à minima », tous les responsables de ce drame n’ayant pas été condamnés.

Dans la nuit du 29 juin 2009, le vol Yemenia 626, un Airbus A310 avec 153 personnes à bord s’abîmait en mer au cours de son approche sur l’Aéroport International de Moroni, Comores, à environ neuf milles nautiques du seuil de la piste. Il y eut une seule survivante gravement blessée, véritable miraculée, Bahia BAKARI.

Les chaines de télévision, les radios et les journaux se délectaient de ce nouveau « reality show » bon marché qui arrivait juste au moment où l’épisode précédent, le crash du vol AF 447, commençait à lasser les foules.

Selon la commission d’enquête des Comores avec l’approbation du BEA, l’accident est dû « à des actions inadaptées de l’équipage sur les commandes de vol ayant amené l’avion dans une situation de décrochage qui n’a pas été récupérée. » En résumé, les pilotes étaient mal entraînés et c’est tout…

On ne peut se contenter de démontrer que l’équipage (encore une fois le dernier maillon) a sans doute commis une erreur. Il faut aussi décrire le contexte dans lequel cet accident s’est produit.

Si on examine en profondeur ce contexte, on découvre rapidement que la compagnie Yemenia était une compagnie poubelle. Tout le monde le savait, de l’OACI à la Commission européenne en passant par la France ses ministres et sa DGAC. Tous savaient que cette compagnie n’aurait jamais dû être autorisée à transporter des passagers comme n’auraient jamais dû l’être les compagnies Flash Airlines et West Caribbean en 2004 et 2005.

Après la catastrophe de Charm el-Cheikh (vol Flash Airlines 604), Gilles DE ROBIEN, ministre des transports, avait déclaré : « je crois qu’il faut réaliser des audits techniques approfondis quand il s’agit de compagnies étrangères utilisées par nos tours opérateurs. »

Le 16 août 2006, à l'occasion de la commémoration de la catastrophe aérienne de Maracaïbo un an plus tôt (vol West Caribbean 708), Jacques CHIRAC déclarait :

« Il est de notre devoir de tirer les leçons du drame de Maracaïbo. A ma demande, le Gouvernement a pris des mesures importantes et des initiatives, au niveau national comme sur le plan international, pour que la sécurité des transports aériens soit renforcée. Des progrès très réels ont déjà été réalisés. Cet effort pour la sécurité aérienne, la France, avec ses partenaires internationaux, va le poursuivre avec la détermination que justifie un enjeu aussi essentiel ».

Cette déclaration était mensongère car aucun progrès ne fut réalisé !

En avril 2014, l’Association des Familles des Victimes de la Catastrophe Aérienne du vol Yemenia 626, A.F.V.C.A, manifestait devant le ministère des Transports à Paris. « La Yemenia m’a tué, les Comores m’ont trahi, la France m’a sacrifié » était inscrit sur leurs T-shirts et banderoles.

Pour comprendre ce qui va suivre, il faut garder en mémoire que la compagnie nationale du Yémen était un client d’Airbus avec une commande ferme de dix A350 XWB, et que Total était le premier investisseur étranger au Yémen.

Le contexte de cet accident.

Comment la Commission européenne a décidé de ne pas inscrire la compagnie Yemenia sur sa liste noire alors qu’elle aurait dû l’être :

En avril 2004, l’OACI dénonçait l’incapacité du Yémen à organiser son transport aérien. En effet, la règlementation du transport aérien de ce pays était non conforme aux recommandations de l’OACI, les personnels de l’administration yéménite étaient incompétents, le suivi de la navigabilité des aéronefs et leur entretien étaient non conformes aux normes internationales. Des corrections étaient demandées mais elles ne furent pas réalisées ou ne le furent que de manière imparfaite.

En 2007, un A-310 de la compagnie Yemenia était interdit de survol en France suite à un contrôle SAFA. L’Europe engageait alors une étude sur le niveau de sécurité de cette compagnie et concluait que la compagnie Yemenia ne satisfaisait pas à certaines normes de sécurité. Airbus procédait alors à un audit de son client et présentait le 26 mai 2008 un ensemble de mesures correctrices visant à améliorer ses performances en matière de sécurité. Mais la Commission européenne estimait en retour que ce plan de mesures n’était pas totalement satisfaisant. (Référence : Journal officiel de l’Union européenne L 306).

Qu’importe, les avions de cette compagnie étaient toujours autorisés à desservir l’Europe et la France en particulier, les passagers continuaient de monter à bord de ces avions dans des conditions qu’ils dénonçaient auprès des autorités sans que nul n’intervienne !

Les 12 et 25 juin 2008, un an avant l’accident, suite à de nouvelles discussions avec Airbus, une documentation complémentaire était envoyée à la Commission européenne. Cette documentation, présentée le 7 juillet 2008, contenait un plan de mesures correctrices modifié.

Le 28 juillet 2008, lors de l’établissement de la liste noire révisée, la Commission européenne considérait qu’il fallait attendre que les mesures correctrices présentées par Yemenia soient mises en œuvre et estimait qu’il n’y avait pas lieu d’inscrire le transporteur sur la liste noire européenne. Il fallait donc attendre…

Le 8 avril 2009, trois mois avant le crash, la Commission européenne imposait une interdiction d’exploitation à six compagnies aériennes du Kazakhstan, à une compagnie aérienne certifiée en Thaïlande, à un transporteur ukrainien et à tous les transporteurs certifiés au Bénin mais ne faisait aucune remarque à propos de la compagnie Yemenia. Sans doute fallait-il attendre encore…

Dans la nuit du 29 juin 2009, le vol Yemenia 626 avec 153 personnes à bord s’abîmait en mer.

Après l’accident, l’EASA, l’agence européenne pour la sécurité de l’aviation, suspendait l’agrément d’organisme de maintenance accordé à Yemenia pour « non-résolution de ses insuffisances en matière de sécurité. ». Trop tard ! 152 passagers et membres d’équipage du vol Yeménia 626 payaient de leur vie les tergiversations incompréhensibles de l’OACI, de la Commission européenne, de la France de ses ministres et de sa DGAC.

Même l’association SOS Voyages était montée au créneau en 2008, un an avant, pour prévenir les autorités des manquements de la compagnie Yemenia.

Le rapport d’enquête technique affirme que la qualité de la formation et du maintien des compétences des pilotes est mise en cause. Or, depuis 2008, Airbus avait mis des experts techniques et des contrôleurs à la disposition de la compagnie Yemenia « pour former son personnel (pilotes et ingénieurs) et vérifier ses performances ».

Il ne fallait pas compter non plus sur l’administration des Comores pour surveiller efficacement les exploitants autorisés à se poser sur son territoire. L’audit de l’OACI effectué dans ce pays en mars 2008 qualifiait ses obligations de surveillance de « not implemented » (Inexistantes)

En novembre 2013, la compagnie était mise en examen par un juge d’instruction du tribunal de Bobigny pour homicides involontaires et le 29 janvier 2018, un accord avait été trouvé pour que les 850 ayants droit des 152 victimes françaises et comoriennes soient indemnisées.

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